Direct News – 28 décembre 2007. Les Sénégalais se souviennent encore de ce jour où l’émoi et la consternation étaient les choses les mieux partagées en apprenant le rappel à Dieu du 5e Khalife de Cheikh Ahmadou Bamba. Il a dirigé la communauté mouride pendant 17 ans avant de quitter ce bas monde à l’âge de 92 ans. Retour sur une mission bien remplie.
« Yâ ayuhal lazina âmanô wa hamilu sâlihâti » Ô vous, croyants véridiques, constants dans la vertu, prenez grand soin de bien choisir les noms que vous donnez à vos enfants. Cela peut être d’une grande importance pour leur destin. Nous tenons de Ghazali que le fait de donner le nom d’un saint qui a rencontré l’agrément de Dieu à son enfant est un moyen de faire rejaillir sur lui l’aura de l’homonyme et de lui faire acquérir certaines des qualités qui l’ont distingué aux yeux de Dieu», renseigne le site d’informations mourides htcom.sn.Cheikh Ahmadou BAMBA a donc eu la « main heureuse » en donnant à ce fils, né en 1915 à Diourbel et qui allait devenir le cinquième khalife de sa communauté, le nom de Saliou. Nom prédestiné s’il en est, Saliou qui signifie la Vertu colle admirablement bien à ce khalife de Cheikh Ahmadou Bamba. Dès son accession aux fonctions de khalife en 1990, après le bref magistère de Serigne Abdou khadr, Serigne Saliou a tout de suite donné le ton en précisant, de façon claire et indubitable, la ligne qu’il entendait imprimer à son action à la tête de la Communauté mouride. En effet, dans son mémorable discours inaugural, il avait, d’emblée, indiqué que, hormis l’Islam et par conséquent la gestion de l’héritage de Serigne Touba Cheikh Ahmadou BAMBA, rien ne saurait retenir son attention, encore moins susciter de sa part commentaires ou directives quelconques. Les choses étaient claires et chacun savait désormais à quoi s’en tenir. fidèle à cette «profession de foi», il est demeuré constant dans sa position, avec, comme unique préoccupation, la promotion de l’Islam à travers la fructification du legs de son illustre père. Dans cette entreprise colossale, Serigne Saliou est servi, avec bonheur, par une connaissance insondable du Coran et des Sciences religieuses, une générosité incommensurable et une humilité indescriptible. homme très intelligent et très cultivé, il avait une claire conscience des enjeux qu’impliquait sa mission de khalife, et surtout, il mesurait à sa juste valeur l’impact que la conjoncture internationale peut avoir sur le devenir de l’Islam dont il est l’un des plus ardents défenseurs. Très ouvert à la modernité et au progrès, il est cependant d’une fermeté inébranlable et d’une vigilance absolue dans sa croisade pour la défense de la pureté de l’orthodoxie musulmane, à l’instar de son père.
Acquisition d’un imposant immeuble à Taverny, en France
Un fait très révélateur de la hauteur de vue de Serigne Saliou et de sa détermination à marcher sur les traces de Cheikh Ahmadou BAMBA dans le sens de la défense et de l’illustration de l’héritage de Seydina Muhammad (P.S.L.), sans autre considération fut l’acquisition en janvier 2002, à grand frais, d’un imposant immeuble à Taverny, en France. Qu’en avait-t- il fait par la suite, lui qui sait qu’il ne mettra jamais les pieds en France ? Il l’avait tout simplement mis à la disposition de tous les musulmans qui peuvent y pratiquer, comme il l’a fait préciser, leur religion dans la paix, dans l’amour et le respect de l’autre et en parfaite conformité avec les lois de la République. Le détail est important. N’est-ce pas là la vraie image de l’Islam universel ? C’est un Islam à hauteur d’homme, fondé sur les valeurs de la paix, de la solidarité, de l’amour du prochain, de la noblesse des sentiments, du dépassement. Selon le site en ligne htcom.sn : «C’est un Islam qui n’est pas synonyme de panarabisme mais simplement humain, qui ouvre les bras, sans distinction, à toutes les diverses composantes de l’humanité. C’est un Islam expurgé de tous les germes de la violence, de la discrimination et de l’intolérance, respectueux des lois et qui ne peut, en aucun cas être une menace pour la stabilité de la société. En réalité, c’est ça le véritable héritage de Cheikh Ahmadou BAMBA que Serigne Saliou a perpétré. Fils de Serigne Touba et de Sokhna Fatima Diakhaté, Serigne Saliou est né en 1915 à Diourbel – où son père Cheikh Ahmadou Bamba était en résidence surveillée.
Humanités coraniques
Serigne Touba commença lui même l’initiation de Serigne Saliou au Saint Coran avant de le confier à Serigne Alassane Diakhaté auprès de qui il fit ses humanités religieuses (mémorisation et reproduction écrite du Saint Coran de mémoire). Il maîtrisa donc très tôt le Coran et fut très attaché au Livre Saint. Pour illustration, il a mis en place et entretenu sur fonds propres plus de 28 «daaras». Mais le plus célèbre est sans conteste khelcom où les pensionnaires sont logés, nourris et choyés comme des écoliers. Serigne Saliou ne cessait de dire dans ses discours: «Je rappelle aux disciples mourides la lecture du Coran. Cheikh Ahmadou Bamba l’aimait beaucoup».
La Saga d’un homme de Dieu
Aussitôt intronisé khalife, Serigne Saliou déclara son appartenance exclusive à la religion musulmane, dans laquelle il circonscrivait toutes ses actions, n’ayant ni à parfaire ni à défaire en toute autre chose que ce fut. Dans une autre sortie, il rappela que son cheval de bataille était la revivification de l’œuvre de Serigne Touba, celle-là n’étantautre que la revivification de la tradition prophétique. C’est ainsi qu’après avoir fondé khelcom, un centre d’enseignement et de formation islamiques de cinquante mille hectares, il lança, dans le sermon qu’il prononça à l’occasion de la fête de korité de l’an 1992 : «Confiez- moi les enfants que j’accomplisse en eux ce que le Grand Cheikh avait réalisé avec les anciens» ; ajoutant que, même s’il ne se considérait pas habilité à avoir la même prérogative, il pensait pouvoir s’en inspirer. La méthode éducative de Serigne Saliou était basée sur l’enseignement, l’éducation, et le travail manuel. Serigne Saliou vouait un culte profond à l’éducation des enfants. C’était pour lui un véritable sacerdoce.
Khelcom, une œuvre colossale
On ne peut parler de Serigne Saliou sans évoquer l’ambitieuse réalisation qu’est khelcom. Grand producteur, il a réalisé un énorme projet agricole (khelcom) sur une surface de 45 000 ha. Il reprit de nombreux travaux de rénovations aussi bien internes qu’externes de la mosquée et la construction de l’université islamique qu’avait entamée son frère aîné Abdoul Ahad Mbacké. Il met en œuvre un plan de viabilisation de terrains d’environ 100 000 parcelles et un réseau d’électrification de la ville. De même, des canalisations ont été construites pour une meilleure évacuation des eaux de pluie. C’est sous son khalifat que les grands travaux d’extension de la grande mosquée ont débuté. Il a aussi entamé avant son rappel à Dieu le réseau d’assainissement autour de la grande mosquée.
Avec le soutien du président Wade il a obtenu près de 15 forages construits entre 2000 et 2002, à l’époque l’actuel chef de l’État Macky Sall était ministre de l’hydraulique. Il avait aussi amorcé de grands chantiers sur la voirie et l’éclairage de la ville sainte appuyé en cela par le projet de modernisation de Touba lancé par l’ancien régime. Son rappel à Dieu n’est pas officiellement célébré à Touba, mais ses talibés et ses proches viennent à l’occasion se recueillir devant son mausolée situé à l’extrême Est de la grande mosquée de Touba.
Souleymane Bachir Diagne et le guide de Touba
Accroché devant le mausolée du cinquième khalife des mourides par la presse, le professeur Souleymane Bachir Diagne, venu se recueillir à l’époque, avait eu ces mots : «Je retiens de l’homme son extrême générosité. J’ai eu la chance, il y a plusieurs années de cela, il y a longtemps, de lui avoir rendu visite. C’était mon père qui m’avait amené le voir. Et il nous avait reçus longuement et on avait passé une magnifique journée avec lui. Je me souviens quand on repartait, il m’avait dit : ‘toi tu es mon talibé tu restes avec moi…’. Pour ce qui est de l’homme, c’était un soufi accompli, véritablement un homme d’une très grande humilité, d’une très grande simplicité, d’une bienveillance énorme… »
Serigne Saliou et les signes de Dieu
«Devenu khalife un jour de vendredi, il quittera ce bas –monde un vendredi. Son khalifat dura 17 ans ( nombre de «rakaas» des cinq prières canoniques», révèle Mouride info qui poursuit : «Serigne Saliou retourna à son Seigneur qu’ il avait toujours servi et à qui il renvoyait toujours à l’ âge de 92 ans ( valeur numérique du nom de Mouhamed). Au demeurant, la valeur numérique de son propre nom «çalih » renvoie au nombre des plus beaux noms ( Asma ul husnaa) de Dieu».
Mademba Ramata Diac