EDITORIAL : Plaidoyer pour les maitres coraniques

L’affaire dite des enfants talibés enchainés alimentent les débats dans les salons et grands-places jusqu’aux coins les plus reculés du pays. Certains, sous le poids du choc des photos distillées ça et là dans la presse, montrant des enfants, pieds et poings enchainés, crient au scandale et vouent aux gémonies les maîtres coraniques, adeptes de ces pratiques dites, à tort ou à raison, esclavagistes. D’autres, plus imprégnés des pratiques qui ont cours dans les «daaras» avec des résultats probants, s’indignent de ce mauvais procès fait aux maîtres coraniques. Il est vrai que dans ce pays, les maîtres coraniques sont souvent perçus et présentés comme des êtres immondes qui font mendier les enfants, les abusent sexuellement ou leurs infligent les pires sévices qui soient. Et ils ont bons dos notre braves maîtres coraniques. Quand des énergumènes font un business lucratif sur le dos des «enfants de la rue», d’aucuns pensent aux maitres coraniques, oubliant sciemment que les «enfants de la rue» ne sont pas forcément des «enfants talibés» dont la vocation fondamentale est d’étudier le Coran et de se préparer à la future vie d’homme. Quand des enfants talibés sont victimes de sévices corporels, personne ne cherche à comprendre le bien fondé d’une telle pratique, préférant penser tout simplement que ces «esclavagistes» des temps modernes infligent de tels traitements aux jeunes potaches par pur plaisir. Pourtant, de telles pratiques ont toujours existé dans les «daaras» et acceptées par les parents qui y emmènent leurs enfants. On ne verra dans aucun daara du pays, des enfants assidus aux cours et disciplinés être victimes de telles pratiques qui, en réalité, sont réservées aux enfants rebelles. Les enfants talibés qui sont enchainés ne vont ni mendier, ni faire l’école buissonnière. Ils sont cantonnés sur place dans les «daaras» pour mieux apprendre le Coran. Il est vrai que ces violences physiques peuvent heurter notre conscience. Mais, elles sont de loin, plus acceptables, pour certains parents, que d’autres violences encore plus dégradantes pour l’être humain. Celles de voir ces mêmes enfants rebelles se faire passer d’autres menottes en âge adulte, par ceux-là même qui crient au scandale et qui sont censés contribuer à leur éducation mais qui préfèrent démissionner, n’apportant aucune forme de contribution aux «daaras», laissant les maîtres coraniques assumer seuls cette responsabilité.   

Pour terminer, nous pensons que le tribunal de grande instance de Louga aurait pu vider, ce même jour, cette affaire d’une rare sensibilité et qui, du reste, est une véritable poudrière pour notre pays. La renvoyer au 04 décembre prochain va installer un certain malaise dans bien des foyers et attiser davantage la tension. C’est notre intime conviction.  

 Amadou Ly Diome

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